samedi 23 avril 2016

Les perturbateurs

Les (éléments) perturbateurs

Nous allons dans les rues de la ville, nos mains mêlées pour une balade. Nous regardons différemment les choses et les gens. Je prend des photos. Mais si tu étais vraiment attentif tu aurais remarqué tous ceux que je n'ai pas photographié. Il y a tout ce qui ne se prend pas en photo. Il y a tout ce qui ne se dit pas aussi.
En photo, tu prends le ciel, le reflet dans l'eau, l'arbre du jardin, le bâtiment, la plaque de rue, la foule, tu prends ton compagnon de balade, tu prends ses mains, tu peux prendre sa nuque, tu prends quantité de choses en photo, mais tu ne prends pas ceux que tu appelles les perturbateurs.

Les perturbateurs sont des hommes ou des femmes qui errent à travers la ville. L’un est assis à la sortie d'un métro. Il peut avoir soit un enfant, soit un chien dans les bras. Il peut être celui qui rentre dans le lieu où l'on s'est installé, des roses à la main et sa fatigue au corps. Il lui arrive d'exprimer son mécontentement, en hurlant ou en gromellant. Il peut aussi aller dans une salle d’attente, il sera moins visible, noyé dans les ombres. Il peut s’enfermer dans les toilettes pour s’asperger d’eau fraîche, toi tu attends et tu pourrais entendre les cris silencieux. Mais tout le monde n’entend pas l’écho des cris qui court entre les murs, entre les mains. En fait peu de monde entend et voit les perturbateurs qui sont comme des fantômes de la ville, de la vie sombre.
Les perturbateurs sont devenus des figurants. Ils ont la consistance des revenants, capables de passer leur vie dans un espace défini, de hanter le réel le plus banal.

Tout le monde reste à distance des perturbateurs. S’approcher d’eux pour les photographier aurait forcément une conséquence. Mais c'est hors programme. Tu les suis de loin, du coin de l'oeil, jour après jour, car ils ne cessent de revenir aux lieux que tu traverses. Certains sont toujours aux endroits auxquels tu reviens toi-même. Il est possible que l’un d’entre eux te reconnaîsse de loin, et s’il te saluait, que ferais-tu ?

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