samedi 22 mars 2014

J'étais à Paris le 18 mars pour saluer les personnes mortes dans la rue et rencontrer des survivants

J'étais à Paris le 18 mars

On m'a proposé d'aller à l'hommage rendu aux personnes mortes de la rue et je me suis laissée convaincre. Il faut dire que c'était proposé par quelqu'un que j'avais envie de voir, que je crains de ne pas croiser assez souvent, car nos vies sont trop remplies et éloignées géographiquement.
Même si ce fut un peu dur d'un certain point de vue des émotions-réflexions, bien m'en a pris, entre autre pour les rencontres avec des copains d'un peu partout en France. Cette journée était un fleuve d'espérance qui coulait entre deux lâchés de noms de personnes disparues. 
J'ai découvert l'émotion lâchée, la sensation vivante, caracolante, sans bride, ni retenue. Moi, je me suis bien retenue en arrivant. J'ai un peu salué, je me suis un peu approché, je me suis tenue à l'écart, j'ai regardé, j'ai observé, j'ai beaucoup écouté. 
Je n'ai pas compté le nombre de fois où j'ai reconnu un inconnu comme étant des miens, comme pouvant "être" de ma famille. En es-tu, moi j'en suis. Nos instants d'une vie particulière. Je devine la trace en moi, je la sens vivre ; le syndrome de l'empêchement à se livrer facilement, à se laisser aller. J'ai besoin d'intimité, dans toute cohue je cherche le silence pour pouvoir me lâcher après. Il y avait Patrick Perret le photographe venu de Marseille. Il est jovial, sympathique et abordable. Mais lorsqu'il saisit son appareil photo il est dans son prolongement. Concentré, méticuleux. Il devient, silence. J'ai aimé l'observer. J'ai remarqué Kévin après son témoignage. Une boule d'amour à faire éclore. Je l'ai entrainé à boire un thé histoire de se retrouver.
Les Toulousains. J'avoue de ne pas les avoir trop quitté des yeux, dès mon arrivée sur la Place je les ai reconnus. Eux c'est moi, c'est la famille. Peut-être pourrai-je en dire plus à un autre moment. 
La suite plus tard.
Au fait mes amis, c'est le printemps et j'ai survécu. 

Pas de carnet en main. Je n'ai rien noté. Il ne tenait qu'à moi d'attraper mon cher carnet et mon stylo quatre couleurs afin de noter à vif la sensation ou l'idée. Un non intentionnel, pour être là, avec mes yeux et mes oreilles, de ne pas perturber l'instant auquel j'avais le privilège d'assister, ni surtout les instants à vivre. Peut-on immortaliser l'émotion ?. Tu sais Patrick, un peu comme si, mes meilleures photos seraient celles que je ne prends pas. 
Il s'est trouvé que je me suis sentie heurtée, bousculée par quelqu'un. Ça m'arrive fréquemment. Paradoxe. On me dit "violente" et il m'arrive de le croire, pourtant je fuie la violence dès que je l'entrevoie chez l'autre. Philippe a fait rempart sans le savoir, en étant là. Une masse de douceur, de lenteur, fort agréable dans cette journée marathon comme disait Cécile. Philippe et ses anecdotes, comme autant d'anicroches. Accroches. Il a des images d'hommes formidables avec lui. Qui va lui dire à lui ?. 

Sacré Dédé. Tu n'as pas beaucoup parlé. Il y a pas mal d'énergie en toi, elle s'exprime dans le groupe. J'ai suivie la presse lorsqu'elle écrivait sur "SDF Sans frontière". Mince, vous voilà. Quoi de mieux que le groupe, que la famille. Nous sommes une famille recomposée, une famille formidable, …  

La suite plus tard.

Il y a des instants, des partages qui méritent de rester dans l'intime.