mardi 25 novembre 2014

Je croise mille visages


Pour bien comprendre la réalité des personnes touchées par l'extrême pauvreté et abandonnées à la rue, il faut s'en imprégner.
On apprend beaucoup des autres et des rencontres. Moi, j'ai vu une maraude de Médecins du Monde apporter des soins à un homme mal en point. J'ai entendu un bénévole lui parler doucement pour le tenir éveillé, en lui tenant la main. Lors d'une distribution de repas à Abribus, j'ai vu un jeune en belle santé au milieu d'hommes et de femmes, cassés, fatigués. Sa seule présence calmait une tension inévitable par le trop plein de ventres affamés. J'ai rencontré à la Place Kléber des jeunes dont la place n'était pas à la rue, les nouveaux visages des laissés pour compte ; ceux qui n'entrent pas dans le moule. Je croise des personnes âgées qui ont travaillé toute leur vie et qui ne peuvent, avec leur maigre retraite, manger à leur faim. Je croise les doigts pour que leur logement soit préservé. Je croise chaque jour la belle Polonaise qui rêvait pour ses enfants d'une vie meilleure. Derrière la gare, sur le parking, il y a Patrick, un travailleur pauvre qui dort dans sa voiture. A Neudorf, il y a un ancien ferrailleur qui me raconte sa vie d'avant. Et cette fille, à peine 20 ans que sa famille a rejeté. Je croise, chaque jour, des gens qui veulent et qui tentent de se faire une place dans la société. Je croise mille visages. Le mien dans le reflet d'une vitre.


Mô (pour Valérie et les autres)

mercredi 12 novembre 2014

combattre


combattre les morsures du froid - marcher - accélérer le pas devant la foule qui envahie le trottoir - obsédé d'être - être en tête pour boire un café pâle - ignorer toutes ces figures cassées - comme autant de miroirs - combattre tous les bruits et les aveuglantes lumières néons - je - le temps - repartir sans avoir eut le temps - le froid n'a rien d'accueillant - cinglant - je marche j'oublie que je marche - je suis prisonnière des zones grises - je glisse d'une rue à une autre - une autre main à tendre pour un autre café - dilué - se diluer - chercher - trouver une étincelle de vie - reprendre sa marche - sans plus de raison - plus de main à tendre - de mains qui se tendent - se laisser tomber sur un banc - attendre - dans le vide et le néant - combattre la répétition mortifère 

lundi 10 novembre 2014

la brume rend aux regrets toute leur inutilité

rémi

l'état, le pouvoir et la mort - des guerres et leurs millions de morts - et derrière des états - l'état en guerre permanente - faut-il lui donner ce qu'il attend de nous ? - l'affrontement - guerre à guerre - faut-il lui offrir des sacrifiés ? - le regarder se repaître et repartir plus fort à la charge ? - ne pourrait-on pas ouvrir les esprits - essaimer des mots, des pensées de vie ? 

samedi 8 novembre 2014

rester ou non sur facebook

je me suis moi aussi posée la question de rester ou non sur facebook - rester quelque part - cette pensée obsédante qui m'a fait résister au mépris du monde - partir - partir d'ici - partir des réseaux - décrocher - ne plus ressentir ce sentiment de rien - cette accusation d'être un inutile - je ne peux dire un être inutile - car on nous refuse toute humanité - on nous coupe de notre être - de notre je - partir dans un pays ou il n'y aurait plus de maisons - elles seraient devenues inutiles - être vraiment de nulle part - être d'un pays de riens - trouver un lieu de temps paisible - partir de tout - loin d'ici - quitter ce pays qui se détruit - qui s'égare dans la haine et la colère - regarder au loin - être loin - se libérer - s'éloigner de tous - tous prisonniers de leurs biens - propriétés de fantômes - prisonniers de la poussière - égarés dans la nuit - …

lundi 3 novembre 2014

Droits de l'homme au bord du monde

C'est dans une ville - c'est beau cette lumière - c'est quoi ce tas ? - c'est un tas de haillons collée à la grille d'un immense parc -  l'attente improbable d'une famille et les années qui passent - on devine derrière la grille des arbres immenses - ce tas immobile que la neige recouvre, flocons après flocons - que fais-tu lorsque tu as froid ? je grelotte  - on s'éloigne et tout se fond -  surgissent des ombres au cœur de la nuit - et dedans cette maison en cours de destruction - une table, un café - comme une famille - demain tout sera rasé vendu - opération fric immobilière - et la rue pour l'homme vieillissant retrouvée - que deviendra le portrait de l'abbé pierre accroché au mur - on avance - dans une lumière sans éclat — ne plus rien voir — tu vois les absences ? on voit les absences, on palpe le silence, et le silence c'est une sacrée violence - l'indifférence  - on s'approche - on marche sur un trottoir mouillé - on voit des tas de sacs comme des détritus - le mec balaye son coin de trottoir - on avance dans la nuit - on entend des voix d'enfants - on s'arrête - on tend l'oreille - passons notre route - on avance - comme il frappe fort ce froid - on marche dans les entrailles du métro - c'est bien que tu prennes tes pilules - on se barre, on prend l'escalator - on entre dans, on entre en dedans, on pénètre dans les ombres - viens, on entre dans le moment, c'est un passage entre les gris de la nuit - au bord du monde - dans le moment du passage - des entrelacs de tuyaux, de fer, de rouille - c'est comme un appartement - c'est un vrai chez soi dans un lieu effroyable - une construction d'homme - de ses mains - on reste debout -  là, devant lui et le chat - il rie, il te raconte la vie - son camarade ne dit rien - il parle avec le regard - tu as envie de le rejoindre dans cette envie de vivre rire - être son copain - alors tu te tais - on voit les entassements d'objets - on écoute des choses terribles - des choses de la vie - des constats des espoirs - et puis des choses d'un autre pays - parfois on ne comprend pas - le lieu, les circonstances tout est effroyable - ce pont ouvert à tous les vents froids - cette chasse, la perte de ses riens - aller toujours ailleurs - on ignorent les rats bien moins que les hommes venus t'écarter t'éloigner te repousser - on part - on salue -  on salue l'homme - on marche - on se retourne - on s'arrête - on va enfin poser son barda - déplier la toile fragile - ouvrir un livre - on voit une autre femme assise sur un banc - que dit-elle, de quoi sont fait ses mots qu'elle nous offre - une autre galaxie - un autre monde, c'est tentant - on se retourne une dernière fois - son visage son signe de la main - on répond au signe de la main - on marche - on quitte ces lieux effroyables - on avance dans la nuit - le lieu effroyable ne nous quitte pas - c'est dans ma ville - C'est à Paris - C'est à Strasbourg - C'est partout

Témoignage : Monique une voix de la rue

http://www.associationsvisio.com/n31-france/article-monique-une-voix-de-la-rue.html?id=11769&_ga=1.169658402.222661126.1414485945

samedi 1 novembre 2014

Commémoration officielle des Morts de la rue





Retour sur la cérémonie en mémoire des morts de la rue : « Il nous a paru évident de faire en sorte que cet hommage puisse être rendu le même jour, et dans les mêmes conditions que celui que nous rendons traditionnellement aux personnalités qui ont marqué notre ville de leur empreinte, a déclaréEric Schultz. Nous affirmons qu’il ne saurait y avoir pour la Ville de Strasbourg des Strasbourgeois invisibles et que nous avons toutes et tous une responsabilité essentielle dans la reconnaissance de la réalité de la rue et de ce qu’elle inflige aux corps et aux esprits des plus fragiles de nos concitoyens ». (...) Pour Monique Maitte, très émue, s’occuper des décès, c’est aussi s’occuper des vivants : « En disant au revoir aux camarades de la rue, c’est bien aux survivants que nous pensons, dit-elle. Nous sommes des habitants de la ville à part entière, nous sommes des citoyens »".http://www.dna.fr/edition-de-strasbourg/2014/11/02/vivre-et-mourir-dans-la-rue#jimage=5CAAF256-0E65-4A03-BE71-4DD219F7B5D5 Fraternité et humanité, tout simplement...