Pour bien comprendre la réalité des personnes touchées par l'extrême pauvreté et abandonnées à la rue, il faut s'en imprégner.
On apprend
beaucoup des autres et des rencontres. Moi, j'ai vu une maraude de
Médecins du Monde apporter des soins à un homme mal en point. J'ai
entendu un bénévole lui parler doucement pour le tenir éveillé, en lui
tenant la main. Lors d'une distribution de repas à Abribus, j'ai vu
un jeune en belle santé au milieu d'hommes et de femmes, cassés,
fatigués. Sa seule présence calmait une tension inévitable par le trop
plein de ventres affamés. J'ai rencontré à la Place Kléber des
jeunes dont la place n'était pas à la rue, les nouveaux visages des
laissés pour compte ; ceux qui n'entrent pas dans le moule. Je croise
des personnes âgées qui ont travaillé toute leur vie et qui ne peuvent,
avec leur maigre retraite, manger à leur faim. Je croise les doigts pour
que leur logement soit préservé. Je croise chaque jour la belle
Polonaise qui rêvait pour ses enfants d'une vie meilleure. Derrière la
gare, sur le parking, il y a Patrick, un travailleur pauvre qui dort
dans sa voiture. A Neudorf, il y a un ancien ferrailleur qui me raconte
sa vie d'avant. Et cette fille, à peine 20 ans que sa famille a rejeté.
Je croise, chaque jour, des gens qui veulent et qui tentent de se faire
une place dans la société. Je croise mille visages. Le mien dans le
reflet d'une vitre.
Mô (pour Valérie et les autres)