lundi 3 novembre 2014

Droits de l'homme au bord du monde

C'est dans une ville - c'est beau cette lumière - c'est quoi ce tas ? - c'est un tas de haillons collée à la grille d'un immense parc -  l'attente improbable d'une famille et les années qui passent - on devine derrière la grille des arbres immenses - ce tas immobile que la neige recouvre, flocons après flocons - que fais-tu lorsque tu as froid ? je grelotte  - on s'éloigne et tout se fond -  surgissent des ombres au cœur de la nuit - et dedans cette maison en cours de destruction - une table, un café - comme une famille - demain tout sera rasé vendu - opération fric immobilière - et la rue pour l'homme vieillissant retrouvée - que deviendra le portrait de l'abbé pierre accroché au mur - on avance - dans une lumière sans éclat — ne plus rien voir — tu vois les absences ? on voit les absences, on palpe le silence, et le silence c'est une sacrée violence - l'indifférence  - on s'approche - on marche sur un trottoir mouillé - on voit des tas de sacs comme des détritus - le mec balaye son coin de trottoir - on avance dans la nuit - on entend des voix d'enfants - on s'arrête - on tend l'oreille - passons notre route - on avance - comme il frappe fort ce froid - on marche dans les entrailles du métro - c'est bien que tu prennes tes pilules - on se barre, on prend l'escalator - on entre dans, on entre en dedans, on pénètre dans les ombres - viens, on entre dans le moment, c'est un passage entre les gris de la nuit - au bord du monde - dans le moment du passage - des entrelacs de tuyaux, de fer, de rouille - c'est comme un appartement - c'est un vrai chez soi dans un lieu effroyable - une construction d'homme - de ses mains - on reste debout -  là, devant lui et le chat - il rie, il te raconte la vie - son camarade ne dit rien - il parle avec le regard - tu as envie de le rejoindre dans cette envie de vivre rire - être son copain - alors tu te tais - on voit les entassements d'objets - on écoute des choses terribles - des choses de la vie - des constats des espoirs - et puis des choses d'un autre pays - parfois on ne comprend pas - le lieu, les circonstances tout est effroyable - ce pont ouvert à tous les vents froids - cette chasse, la perte de ses riens - aller toujours ailleurs - on ignorent les rats bien moins que les hommes venus t'écarter t'éloigner te repousser - on part - on salue -  on salue l'homme - on marche - on se retourne - on s'arrête - on va enfin poser son barda - déplier la toile fragile - ouvrir un livre - on voit une autre femme assise sur un banc - que dit-elle, de quoi sont fait ses mots qu'elle nous offre - une autre galaxie - un autre monde, c'est tentant - on se retourne une dernière fois - son visage son signe de la main - on répond au signe de la main - on marche - on quitte ces lieux effroyables - on avance dans la nuit - le lieu effroyable ne nous quitte pas - c'est dans ma ville - C'est à Paris - C'est à Strasbourg - C'est partout

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